A l’heure actuelle, l’accès aux soins chez les enfants atteints de troubles développementaux est encore trop limité. Des inégalités demeurent, notamment en raison de disparités importantes en fonction du milieu social et du lieu d’habitation [1]. Par exemple, dans les milieux moins aisés et éloignés des villes, les enfants ont un accès réduit aux soins, alors même qu’ils sont plus susceptibles de développer des troubles développementaux [2]. Un des objectifs majeurs est d’améliorer le suivi des enfants sur le long terme, puisque la prise en charge est trop souvent interrompue après les premières phases de rééducation, comme par exemple dans le cas de la dyslexie [3].
Dans ce contexte, il est nécessaire d’innover en matière de soins et de varier les méthodes d’entraînement pour répondre aux enjeux que représente la prise en charge des troubles développementaux et ainsi limiter leur impact. La technologie offre des possibilités nouvelles puisqu’elle permet de développer des protocoles d'entraînements à distance, par exemple via des outils numériques comme les jeux sérieux pouvant être accessible à faible coût. Bien que l’utilisation des jeux sérieux soit une solution prometteuse, cette possibilité reste peu exploitée pour l’instant [4]. Sans nier les disparités d’utilisation en fonction des milieux, une large majorité des foyers français sont désormais équipés d’au moins une tablette, smartphone ou ordinateur, y compris chez les moins aisés et hors des villes (voir par exemple l’enquête Hootsuite/WeAreSocial). Des méthodes d’entraînements peuvent être développées sur ces plateformes, notamment dans l’exemple de la dyslexie, afin d’atteindre une plus population plus large.
La dyslexie développementale se manifeste par des difficultés de lecture et d’orthographe indépendantes de carences socio-éducatives, de troubles intellectuels ou de manque de motivation à l’apprentissage [5]. Au-delà des difficultés d’ordre phonologique, d’autres capacités sont souvent atteintes dans la dyslexie développementale, notamment au niveau du control moteur et sensorimoteur [6][7], de l’attention [8], de la mémoire de travail [9], des fonctions exécutives [10], et du traitement temporel [11].
Le modèle temporel de la dyslexie développementale postule que les déficits dans le domaine temporel (timing), notamment dans la capacité à traiter les séquences auditives prédictives, seraient une cause majeure des difficultés de lecture. Les personnes atteintes de dyslexie ont en effet des difficultés pour estimer les changements d’amplitude de l’enveloppe sonore dans le temps [12], dans le traitement des durées courtes [13] mais aussi dans le traitement de l’information rythmique.
Plusieurs études ont ainsi mis en évidence l’effet de l'entraînement des capacités de rythme sur les capacités de lecture et de langage dans la dyslexie [14][15]. Mila Learn reprend ces protocoles sous la forme d'un jeu musical pour l'évaluation d'une rééducation potentielle de la dyslexie développementale.
La plateforme Mila propose des jeux d’éducation rythmique et musicale destinés en priorité aux enfants atteints de dyslexie. Mila découle directement de la riche littérature neuroscientifique de ces derniers années consacrée aux implications de stimulations auditives et rythmiques sur le renforcement des connexions entre des zones cérébrales distantes.
Un nombre croissant d’études montrent ainsi que les interventions d’entrainement au rythme et à la musique sont efficaces pour améliorer les capacités de lecture chez les enfants dyslexiques [15] ; les améliorations observées complètent celles obtenues avec des méthodes utilisées plus classiquement en pratique clinique comme l’entraînement à la discrimination des phonèmes. L’effet des interventions musicales et rythmique s’étend également à d’autres fonctions motrices et cognitives; elles peuvent donc aussi être bénéfiques dans d’autres troubles développementaux (TDAH, troubles du langage etc.).
Enfin, la présentation sous forme de jeu permet d’augmenter l’adhésion à l’entraînement ; l’objectif étant de proposer un contenu aussi récréatif que les jeux commerciaux auxquels les enfants jouent habituellement.
Deux études pré-cliniques ont été réalisées au Centre de rééducation neurologique de l'hôpital Bicêtre (15 enfants, 2018) et à Québec (55 enfants, 2020).
Une étude clinique à grande échelle est en préparation en collaboration avec la Pitié-Salpêtrière afin de confirmer l'impact thérapeutique de cette approche.