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Rencontre avec Justine Vilgrain - Podcast D comme Dys

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Rencontre avec Justine Vilgrain - Podcast D comme Dys

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Rencontre avec Justine Vilgrain - Podcast D comme Dys

Justine Vilgrain est dyslexique. Elle a créé Certified Dyslexic, un tampon pour les dyslexiques. Interview dans le podcast D comme Dys.

Justine Vilgrain, une entrepreneure fière d'être dyslexique

Le podcast D comme Dys met en lumière les troubles dys, à travers des témoignages inspirants. Dans cet épisode, Poppins vous emmène à la rencontre de Justine Vilgrain, une entrepreneure créative qui a su très jeune qu'elle était dyslexique. Elle nous raconte comment se sont déroulées ses études en France, en Angleterre et aux États-Unis. Puis elle nous présente le projet Certified Dyslexic : un logo et un tampon destinés aux personnes dys, afin d'informer leurs collaborateurs et leurs professeurs. Vous êtes dys ? Ne vous cachez plus ! Déterminée à faire évoluer la société, Justine mène des actions de sensibilisation aux troubles de l'apprentissage. Elle vous donne ici des conseils pour prendre confiance en vous, afin d'oser créer une entreprise et vivre vos rêves. Interview.

Bonjour Justine Vilgrain, peux-tu te présenter ?

J.V. Je m'appelle Justine, je suis française et grecque. Après avoir monté plusieurs entreprises dans le web3, j'ai créé Certified Dyslexic, un tampon qui s'applique sur la signature des mails et les copies d'élèves. Ce projet a été porté par mon studio de création, Braw Haus, spécialisé dans l'art numérique. Je suis également cofondatrice de la NFT Factory, un lieu dédié aux NFT à Paris. Enfin, je suis l'une des créatrices du bookzine New Society, consacré à la mode et au lifestyle du web3.

Comment as-tu découvert ton trouble dys ? Quand as-tu eu un diagnostic de dyslexie ?

J. V. Quand j'étais en petite section, dans l'école américaine de Paris, les enseignants ont voulu me faire sauter des classes parce que j'avais une certaine logique. Quand je voyais un rond, je le mettais dans un rond ! Les autres élèves le mettaient dans le carré : ça ne rentrait pas. En CP, quand sont arrivés les livres, les dictées, les exercices d'écriture, ma maîtresse a compris que j'étais dyslexique. Elle a dit à ma mère qu'il fallait m'emmener chez l'orthophoniste. À partir de là, j'ai connu un effet boule de neige : de séances en séances, j'ai dû faire toutes les orthophonistes de Paris ! Toutes les techniques ont été testées sur moi. Je me souviens d'une méthode où j'étais enfermée dans une salle noire. Je devais regarder des ronds de couleur pendant une heure !

As-tu des souvenirs de ta scolarité d'élève dyslexique ?

En dictée, à l'école, j'avais des notes négatives, parfois jusqu'à -60/20. Hyperactive, j'étais une élève très perturbée. En CM1, je me suis retrouvée à côté d'un autre élève dyslexique. Tous les deux, nous comptions les phrases pour essayer d'anticiper quand ce serait notre tour de lire à voix haute, par peur de bégayer. Malheureusement, il y avait toujours un décalage avec ce que nous avions prévu. Nous tentions aussi de deviner quelles notes négatives nous allions avoir à nos dictées. Nous faisions même exprès de rajouter des fautes pour avoir une note plus faible que l'autre. La maîtresse ne comprenait pas.

En CM2, la prof a demandé à toute la classe de m'applaudir parce que j'avais eu 0,5/20 en dictée ! Je ne lui ai jamais pardonné cette humiliation. Quelques années plus tard, lors d'une soirée en Grèce près d'une piscine, j'ai retrouvé cette maîtresse d'école. Je l'ai poussée dans l'eau en lui disant :

— Madame, ça, c'est pour le 0,5 en dictée !

Comment s'est passée ton orientation d'élève dys ? As-tu pu faire ce que tu voulais ?

À la fin de l'école primaire, j'avais déjà un dossier scolaire bien chargé : mauvaises notes, heures de colle, problèmes de comportement… Difficile de trouver un collège prêt à m'accepter. Mes parents m'ont envoyée en pension en Angleterre, où se trouvait mon cousin. J'ai découvert un système complètement différent. L'orthophoniste était présente dans l'école et m'aidait à faire tes devoirs. Les profs étaient bienveillants et comprenaient qu'ils devaient adapter l'enseignement. Quand je me suis faite virer, pour d'autres raisons, mon père m'a dit que c'était ma dernière chance, sinon il m'enverrait à l'armée. Dans cette dernière école, où je suis restée deux ans, j'ai été très sage. Passionnée par l'art, j'ai passé un bac de photo et un bac de média business français. Avec cette filière artistique, je n'avais pas de matières comme l'histoire, que je n'aimais pas. J'obtenais de bonnes notes. Je me sentais bien dans mon environnement.

La seule chose négative, c'est que les professeurs britanniques ne voulaient pas me donner accès aux cours de français. Ils avaient peur que je parle trop et que je perturbe la classe. J'ai promis que je ne dirai rien, que je voulais juste progresser à l'écrit. Malgré mes efforts, le jour de l'examen de français, j'ai eu un C.

J'ai ensuite été acceptée dans une école d'art à Londres. Mais mon oncle a suggéré que je parte aux États-Unis, pour intégrer la Parsons School of Design. Grâce à mon portfolio et un challenge, j'ai été admise ! J'ai même reçu une bourse, qui m'a permis d'aller vivre à New York pendant cinq ans.

Comment se passe la scolarité d'un étudiant dys aux États-Unis ?

J.V. En arrivant outre-Atlantique, j'ai été choquée de constater que les personnes dys sont considérées comme des génies. C'est normal, puisque les plus grands génies américains sont dyslexiques : Steve Jobs, Einstein…

Les profs étaient au courant de notre différence. Chaque élève handicapé avait un certificat qui attestait de son statut particulier. Normalement, le type de handicap n'était pas indiqué, mais j'ai demandé que ma dyslexie soit précisée sur ce papier. En tant qu'élève handicapée, j'avais du temps en plus pour faire mon travail et passer mes examens.

Chaque semaine, j'avais des dizaines de pages de thèses et de dossiers à lire. C'était impossible, alors j'ai proposé aux enseignants de sélectionner les passages importants et de me donner les documents en avance. Ils se sont adaptés à toutes mes demandes. Incroyable !

Pourquoi as-tu écrit une lettre au président Emmanuel Macron ?

J.V. Quand j'ai commencé à travailler avec mon associée pour notre studio Braw Haus, en 2017, nous avons rapidement eu des soucis pour la communication par mail avec les clients et lorsque je rédigeais des présentations écrites. Quelques semaines plus tard, mon père devait participer à une rencontre en Afrique avec Emmanuel Macron. Je lui ai donné une lettre manuscrite à remettre au président. Dans cette lettre, je racontais mon parcours et je proposais une solution : un tampon que les personnes dyslexiques pourraient utiliser pour rendre leur handicap visible. J'expliquais que j'étais chef d'entreprise et que, pour mes études, j'avais dû quitter la France afin qu'on m'accepte comme je suis. J'alertais sur les difficultés liées au système scolaire français. Et je terminais en proposant d'utiliser un tampon à apposer dans la signature des mails et sur les copies des élèves.

Comment as-tu créé le tampon Certified Dyslexic ?

J.V. Contente de mon idée, j'ai envoyé la lettre à des amis, qui l'ont transmise à une journaliste. Un article a été publié dans l'Obs en octobre 2018. La veille de la sortie de l'article, j'ai appelé mon père, qui m'a avoué qu'il n'avait jamais donné ma lettre au président ! Pour se rattraper, il a rédigé une autre lettre, qu'il a jointe à la mienne, et il a posté l'enveloppe le soir même. Nous n'avons jamais eu de réponse, mais le projet de tampon Certified Dyslexic était né.

Un designer a dessiné le tampon. Puis nous avons créé le logo et le site internet. Dans le milieu artistique, beaucoup de personnes dys ont commencé à l'utiliser. Il permet de ne plus corriger les mails et de ne plus avoir à demander de l'aide pour rédiger.

Pour faire connaître notre projet, j'ai contacté une personne que j'avais connue à l'école primaire et qui travaillait chez Konbini. La vidéo, sortie en juillet 2020, a donné de la visibilité au tampon Certified Dyslexic.

Aujourd'hui, Justine Vilgrain, où en est ce projet ?

J.V. Trois ans et demi plus tard, le projet a pris de l'ampleur. Le tampon pour la dyslexie a été traduit dans toutes les langues européennes. Et des variantes pour les autres troubles du neurodéveloppement ont été créés en français et en anglais : dysorthographie, dysgraphie, dyspraxie, dyscalculie, TSA et TDAH. Toutes ces versions sont disponibles gratuitement au format digital sur le site certifieddyslexic.com. L'usage est libre de droits pour les particuliers et les entreprises de moins de vingt salariés. Pour les élèves, je me suis associée avec France Tampon qui produit des tampons encreurs à commander sur le site.

Par ailleurs, nous avons fait des campagnes de pub pour sensibiliser à la dyslexie. L'entreprise JCDecaux nous a donné accès gracieusement à cinq cents espaces d'affichage dans toute la France. Avec une association, nous avons fait du crowdfunding pour financer les impressions. L'imprimeur nous a accordé une remise, ce qui nous laissait 1 500 € à trouver. Nous avons ensuite proposé aux personnes dys de se prendre en photo devant les affiches et de diffuser leurs portraits sur les réseaux sociaux. De plus, j'ai rencontré des responsables de grandes entreprises (Amazon, L'Oréal...) qui veulent diffuser notre campagne de sensibilisation en interne. Toutes ces petites actions contribuent à sensibiliser au handicap des personnes dys, afin que la société nous accepte mieux.

Campagne de prévention Certified Dyslexic 2024

Les adultes dys sont-ils prêts à utiliser le logo Certified Dyslexic ?

J.V. Lors d'une visioconférence de sensibilisation au handicap sur Zoom, un collaborateur d'Amazon a pris la parole, les larmes aux yeux :

— Je travaille deux fois plus que tout le monde car je passe mon temps à me relire, à me corriger et à comprendre les messages échangés avec mes collègues.

Le logo apposé sur ses mails est une reconnaissance de son handicap, qui lui apporte un vrai soulagement.

À l'inverse, mon cousin, qui est super Dys, refuse de mettre le logo sur ses mails. Il a caché toute sa vie qu'il était dys, en travaillant deux fois plus dur que les autres. Mais il ne se sent pas capable d'assumer sa différence. Moi, je suis très fière d'être dyslexique. Pour rien au monde, je ne prendrais une pilule pour ne plus l'être, si un tel remède existait. J'apprécie de voir les choses de façon différente, d'avoir une capacité d'analyse hors normes, de sortir du lot dans ma manière d'agir, de parler et de réfléchir. Je me préoccupe plus du fond de ce qui est écrit que de la forme.

Qu'est-ce qui t'a menée vers l'entrepreneuriat ?

J.V. Je suis devenue entrepreneure sans le faire exprès. Quand j'étais étudiante à l'université, j'ai rencontré ma future associée qui m'a proposé de monter un projet avec elle. Au début, ce n'était pour moi qu'un à-côté. De fil en aiguille, le projet a pris de l'ampleur. Aujourd'hui, j'ai cofondé trois entreprises, mais pour Certified Dyslexic, je suis seule aux commandes. Mon esprit logique et ma manière de réfléchir apportent de la valeur ajoutée à mes petites entreprises.

As-tu des conseils à donner aux jeunes dys qui ont peur de se lancer dans l'entrepreneuriat ?

J.V. Je leur dirais qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même. Les gens qui vous disent que vous n'y arriverez pas, il ne faut pas les écouter. Vous avez une idée, en tant que personne dys et vous pensez que votre idée peut aider les gens ? Foncez ! Je reconnais cependant que monter une entreprise demande beaucoup d'énergie, d'effort et de travail. Ensuite, il faut savoir être patient. Ce n'est que trois ans après la création que vous saurez si vos résultats sont bons. Mais ne vous découragez pas et allez-y ! Que votre entreprise fonctionne ou pas, il faut essayer : c'est la seule façon de ne pas avoir de regrets.

Quelle est la suite pour Certified Dyslexic ?

J.V. Pour l'instant, nous continuons de communiquer sur les réseaux sociaux et le site internet. Notre studio de création a élaboré une idée que nous voudrions développer : une expérience de réalité virtuelle pour se mettre dans la peau d'un dys, à tous les âges. L'équipe technique est prête, mais il nous manque du financement.

Un dernier mot pour conclure  ?

J.V. Force aux dys ! Ne baissez pas les bras, regardez toujours vers le haut. Un trouble dys, c'est un don à mettre en avant, une caractéristique positive dont vous pouvez être fiers.

Retrouvez l'interview de Justine Vilgrain dans le podcast D comme Dys, diffusé sur toutes les plateformes d'écoute.

D comme Dys vous est proposé par Poppins, l'application médicale pour rééduquer les troubles de l'apprentissage des enfants de 7 à 11 ans. Poppins fournit aux élèves dys des exercices adaptés à leur profil, qui viennent renforcer leurs compétences et leur donner confiance en eux. Grâce à notre application pour dys, ils pourront, comme Justine, vivre une scolarité plus épanouie et être fiers de leur différence.

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